Marie se réveille. Elle ouvre doucement les yeux, puis les referme et tire la couette tout contre son oreille. Elle est couchée sur le côté, dans son grand lit deux places. Elle respire doucement et écoute. C’est dimanche. Elle entend le silence de ce matin. C’est les vacances. Les enfants logés à l’étage doivent traîner, lire ou se prélasser dans leur chambre. Dans la rue, quelques pas se font entendre. Leur allure est tranquille. En semaine, Marie se lève tôt et écoute le bruit des chaussures qui claquent, pressées. Mais là, il y a des sons particuliers. La lenteur prend le dessus sur la frénésie des jours ordinaires. Marie prend son temps. Le temps d’écouter, le temps de soulever ses paupières, le temps de bouger dans son lit tout chaud. Elle hume les minutes qui passent.
Pourtant, l’instant d’après, la culpabilité d’avoir cet espace commence à réactiver la « machine à penser ». Marie se demande ce qu’elle doit faire aujourd’hui, quel est le programme de la matinée, de l’après-midi. Cette soudaine agitation l’avertit. Elle sourit. « Non, non, non ! Rien ne permettra à cette douceur fugace de se tailler comme ça ! » Chasser les injonctions, tourner le dos à tous ces dysfonctionnements neuronaux, se rouler en boule et sentir son cœur battre ; Marie y est résolue.
Elle a 40 ans. Ses deux enfants vivent avec elle, l’entourent. Son célibat récent lui pèse souvent. Elle se sent si seule. Étonnamment, cette solitude lui donne aussi, parfois, un sentiment de puissance formidable. Elle est libre d’aller et venir avec sa tribu, où elle veut, quand elle veut. Elle prend sans rien demander. Elle donne sans retenue.
Rares sont ces moments de grâce où le temps se donne le temps. L’air est léger, et le corps de Marie peut profiter de cette détente. Elle sent sa nuque se décontracter. Elle n’avait pas conscience d’être tendue.
Les paupières toujours closes, Marie voyage.
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