Le blouson

Très tard… Trop tard… L’attente, toujours… Elle viendra ? Elle viendra pas ?

Je m’en vais. Les rues et mes pas sur les trottoirs… Une terrasse envahie de fumeurs… Il fait froid ! Pourtant, à cette saison… Enfin… J’avance et la nuit me couvre, m’enveloppe. J’ai peut-être pas attendu assez longtemps ? Tant pis ! Je continue… Les réverbères dévoilent la saleté du boulevard sous mes pieds. Où est Clémentine ? Pas venue, rancard raté !

– Une petite pièce ?

J’ai pas, juste mes poches vides, enfin, presque vides…

Je trace mon chemin. Je vais finir par arriver. Des gens bavassent dehors, plantés autour des tables hautes, abrités sous les stores tirés. La bruinasse me glace le corps. Je marche plus vite. Froid, j’ai froid ! Dehors, mais surtout dedans. Pourquoi elle est pas venue ? Clèm… Pas là !

– J’ai besoin d’un euro, juste un euro.

Je relève le nez. Une gamine… Un pantalon troué et qu’un T-shirt sur elle, par ce temps ! Plutôt crade la môme. Les cheveux collés. Le regard vide. Mais surtout, l’expression triste.

– J’ai pas, non.

Son air… Tellement malheureux. Je sais bien que j’ai trois sous quelque part. Je fouille dans mes poches et la rattrape.

– Tiens.

– Merci.

Je continue d’avancer. Je l’ai jamais vue dans le quartier celle-là. Je me retourne, elle marche lentement derrière moi, un peu courbée en avant. Ses bras enserrent son ventre. Elle doit se cailler. Je m’arrête, face à elle.

– Tu as froid, non ?

Elle me sert une belle moue.

– Ça va, ça va…

Je vois bien que ça va pas ! Elle est transie. Je marche encore un peu et me stoppe pour de bon, devant l’entrée de l’immeuble. Le code, la grosse porte et elle, toujours derrière moi. Elle me regarde puis, quand mes yeux croisent les siens, elle fixe ses pieds. Je baisse les miens sur ses chaussures. Enfin, si on peut appeler ça des chaussures. La pauvre môme, elle repose sur rien.

– Tu veux te mettre au chaud ?

– La cage d’escalier… Beaucoup de monde passe ?

– Pas plus que ça, non.

– Je veux bien…

Elle me suit. Le second code et la chaleur de l’immeuble nous envahit jusqu’à faire de la buée sur mes lunettes. Le bouton de l’ascenseur, il arrive. J’ouvre, elle monte avec moi. Elle pue, c’est impressionnant ! Troisième étage, je sors et respire enfin.

– Je vais me planquer tout en haut.

– Viens, tu vas prendre une douche.

– Une douche ?

– Tu en as besoin.

Je sais pas si j’ai raison de l’emmener dans mon appartement. Je la connais pas … Elle entre avec moi.

– Tu as mangé aujourd’hui ?

– Pas depuis deux jours…

– La salle de bain est là, je te donne une serviette.

Je lui sors le nécessaire, qu’elle se lave. Des fringues propres aussi. Vue sa taille, elle rentrera sûrement dans les miens.

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