Les funambules

– Ah oui ?

Disait-elle en relevant le menton.

– Et puis quoi encore ?

Et elle s’en allait. C’est à peine si elle posait les pieds. Parce qu’à vrai dire, c’est l’air qui la tenait. Plutôt l’air que ses jambes et ça, tout le monde le voyait : On aurait dit qu’elle les faisait glisser pour avancer sur la pointe des pieds. On riait d’elle :

– Eh ! L’acrobate… Toujours sur le fil ?

Elle ne restait jamais longtemps.

– Et ça vaut mieux !

C’est une réflexion qu’on entendait souvent.

– Parce qu’elle a du caractère, la petite !

[une corde qui vibre]

– Eh… Don’t trip over the wire !

C’est par là que l’histoire avait commencé. Elle avait pris ça pour une injure. Mais elle ne s’était pas expliquée sur la grossièreté qu’elle avait éprouvée. Alors, comme à chaque fois qu’elle était fâchée, elle était partie.

– Il faut que je m’entraîne !

Elle glissait d’un pied sur le fil tendu qui la lançait et la faisait rebondir. Elle volait.

– On ne la voyait plus…

Et on mettait ça sur le compte de la lumière.

– On a été éblouis, c’est tout !

Mais à la tombée du jour, quand ne la voyant plus, ils s’étonnaient et puis ils n’y pensaient plus.

[une corde qui siffle]

Il y en avait pourtant quelques uns qui se souvenaient de l’époque où les forains passaient encore.

– Le spectacle à peine terminé, on les entendait plier.

Elle les avait écoutés. Le reste, on le lui avait raconté.

– Elle aura été voir par elle-même… Y faut pas s’inquiéter !

[une corde qui casse]

Un voyageur de commerce disait avoir aperçu un automate dont la figure en porcelaine pâle avait son visage. Il l’avait reconnue derrière la vitrine d’une petite boutique où il passait, un jour, en bord de mer.

– Je vous assure !

– Mais tu ne l’as jamais vue…

On lui avait montré la photo qui était suspendue au mur derrière les coupes argentées et les fanions du club de foot avec qui elle avait posé.

– L’image est un peu floue !

Alors on l’avait oubliée.

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