Fine passagère

Dans l’agence de pub où je bosse, je passe mon temps à faire des maquettes. Des maquettes sur l’ordi… Flyers, catalogues, affiches… Que des trucs pas très intéressant, si, les affiches, j’aime bien. Et je m’éclate avec les programmes, les effets, les déformations, les filtres en tout genre… C’est fou ce qu’on peut créer avec ces logiciels. Là, je suis sur une mise en page pas très rigolote. Beaucoup de couleurs vives, trop de texte, pour des photos de meubles de cuisines.

Ce que je préfère dans ma vie, ce sont les soirées que je passe avec ma tendresse… De temps en temps seulement… Quand j’y vais et qu’elle est là… Alors, on a de grands instants ensemble, à parler, à se regarder, à se toucher. De toute façon, on n’a que ça à faire, elle ne fait pas les courses. Rien à manger, si, de la semoule de lait… Une petite bouillie et au lit. Mes bouts de vie avec elle se passent comme ça.

Parfois, quand j’arrive le soir chez elle, on a trop faim. On compte ce qui nous reste dans nos poches et on va au Franprix d’en bas pour acheter un truc à manger. Il faut les faire ces courses ! Les jours où on a plus de chance, on se retrouve dans un rad ou mieux, au resto. Et là on prend le plat du jour avec un petit verre. On ne peut pas aller tellement plus loin. Mais c’est bien, tout ce temps-là. On bouge à peine et puis tout se fait dans un regard, quelques gestes. Et ça se joue comme ça. On a quand même des discussions sur plein de sujets. Mais je ne m’en souviens pas trop de tout ça. Il me reste juste les mouvements dans ma tête, et la douceur des instants.

Je l’aime bien ma petite douceur. On s’est rencontrée d’une drôle de façon. Par accident… Enfin non, lors d’un accident… De bagnole ! Elle se retrouve collée au pare-brise… Un alcoolo qui roule en plein milieu de la route. Des petites coupures partout au visage, elle se retrouve direct à l’hosto. La pauvre chérie, il faut la recoudre et tout. Moi je suis chez les flics à raconter ma misère. En attendant, on lui colle quelques fils sur la tronche. Bon, comme elle a une belle petite frimousse, ça ne se verra pas trop le clash. La bagnole, complètement foutue, mais ça, je m’en fous complètement. Ce qui me travaille c’est sa petite gueule glamour…

 

J’ai fini depuis belle lurette les meubles de cuisines et je stagne sur une mise en page de fringues. Comment peut-on porter ça ? C’est moche à souhait, les couleurs, les coupes et tout. C’est pour des ados prépubères en même temps, alors…

Le nez en l’air, les mains sous le menton, je me souviens… Il y a longtemps, on avait décidé de partir au soleil toutes les deux.

Alors nous voilà dans un bus qui nous fait traverser des pays improbables. Et on se retrouve dans un hôtel à dormir sur les toits, ça coûte moins cher, comme on n’a toujours pas trop de thunes… Alors on s’en contente des toits-terrasses. Le problème c’est qu’on ne peut pas laisser nos sacs ! Alors le soir, forcément, on s’est fait piquer nos places. Sur les terrasses on trouve une douzaine de lits superposés. Il ne faut pas avoir peur du vide ! Quand on est en haut, on n’a plus rien sur les bords. Moi je ne peux pas, elle non plus elle ne peut pas, alors on dort toutes les deux dans le petit lit d’en bas. Comme on veut bouger plus loin, on se barre dans les îles. Le truc, c’est qu’on est toujours autant fauchée. Là-bas on file squatter dans un camping à deux balles. On plante la tente que je porte depuis le début. Et toujours la même histoire. Manque le pognon. Donc le resto du soir, c’est limite si on ne fait pas la vaisselle pour bouffer un peu. La douche, c’est pareil, il faut mettre des pièces. Du coup, nous, on se colle sous la douche ensemble, c’est petit une douche de camping. Et puis on mange des melons et des pastèques. Le soir, comme on entend les bruits de la nuit, on flippe et on se loge dans le même duvet.

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