Week-end spécial

Assises sur le canapé, nos yeux se perdent dans le vague. L’après-midi est plutôt doux pour la saison. Peu de vent, pas de pluie.

– J’ai rencontré… Quelqu’un…

J’ai juste une toute petite voix, presque hésitante. Le regard de Clèm va, du vide à moi, puis repart. Elle ne réagit pas plus que ça. Sa tête tombe en arrière, ses yeux au plafond.

– Tu m’as entendu ?

– Mmm…

Je la regarde, aucune expression ne s’affiche sur son visage.

Je me lève, fait quelques pas dans le salon et cache les mains dans les poches de mon pantalon. Je me stoppe devant la table basse, reste là un moment, puis dégage dans la cuisine.

Sur le petit tabouret, je cogite. Pourquoi elle ne dit pas, ça ne lui fait rien ?

J’entends ses pas dans le salon, le couloir et là, devant moi. Elle pose ses petites fesses sur l’autre tabouret et on stagne. Pas de sourire, pas de mot, juste les regards qui se croisent de temps en temps.

– Tu veux bouger ?

– Pas plus que ça, non…

Elle ne veut rien. Que faire ? Le décor de cette minuscule cuisine contre son mutisme.

– Allez, on sort.

Je me décolle du tabouret, passe juste devant elle pour quitter la pièce.

Dans la chambre, j’enfile mon blouson et revient près d’elle avec le sien dans les mains.

– Viens.

Son regard se lève sur moi et redescend sur mes baskets. Je le lui tends, elle l’attrape. Du geste lent, elle se lève et l’enfile. Les mains dans les poches, elle se plante devant la porte d’entrée.

Sur le trottoir, on marche côte à côte. Il ne fait pas si doux que ça finalement. Le léger vent pénètre mon blouson ouvert. Je remonte la zipette et le col.

– Il ne fait pas chaud !

– Ben, ferme ton blouson.

Elle le ressert juste avec ses mains dans les poches. On avance toujours l’une à côté de l’autre, dans le bruit de la ville et le silence de nos mots.

Une bonne heure de marche et on rentre se poser dans le canapé. Je m’installe en face, dans un fauteuil.

– Un petit verre ?

– Pourquoi petit ?

Juste, je souris à sa réflexion. Les verres annoncés et je reviens dans le salon. C’est tout froid quand ça descend à l’intérieur mais ça fait tellement de bien.

– C’est quoi son petit nom ?

J’hésite à répondre tout de suite. Je bois une gorgée, me donner du courage.

– Sandro.

– Hein ?

Ses yeux sont tout écarquillés.

– Sandro…

– Je rêve !

Elle est presque à rire. Elle murmure.

– Maxime avec un mec… On aura tout vu !

D’un coup, elle devient blanche comme un cul. Sa main tremble sur sa cuisse.

– Tu ne vas pas me faire ça ?

Je ne sais pas quoi répondre.

– Et ça fait longtemps que ça dure votre petit jeu ?

– Non…

– Combien de temps ?

– Je ne sais pas…

– Comment ça, tu ne sais pas.

– C’est tout juste là.

– Mmm…

Elle se recroqueville sur le canapé, les pieds sur les coussins, les genoux entourés de ses bras.

– Qu’est-ce qui t’a pris ?

Je n’en sais rien, moi… Un mec, c’est vrai, c’est pas du tout dans mes habitudes.

– Je ne sais pas…

– Tu ne sais pas, tu ne sais pas, tu ne sais jamais ! J’imagine qu’en plus, tu vas me dire que ce n’est pas de ta faute, que ce n’est pas grave.

– Ben…

– Arrête ! Arrête… Tu me désespères !

Je ne sais plus comment me tenir dans ce fauteuil. Je vais sur le canapé, juste à côté d’elle. J’approche la tête de son épaule.

– Pousse toi, tu me fatigues.

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